À l’écoute de L’Autobiographie de Miss Jane Pittman
Ernest J. Gaines et l’écriture interférentielle de l’histoire
Résumé
L’écriture romanesque de l’Histoire telle qu’envisagée par Ernest Gaines dans son œuvre et surtout dans L’Autobiographie de Miss Jane Pittman, peut être utilement éclairée par les concepts de la linguistique de l’énonciation (Benveniste) et ceux de l’analyse historiographique selon Michel de Certeau. L’essai met en lumière les lieux de ces croisements, mais pour les dépasser en un deuxième temps, en isolant la spécificité d’une écriture de l’Histoire qu’on peut mettre en lumière à l’aune de deux concepts développés ici par l’auteur, à savoir l’altérité intrinsèque et l’écriture interférentielle. Ils permettront de mieux saisir jusqu’où l’écriture chez Gaines embrasse le savoir historique propre à la communauté afro-américaine, dont elle vise le dévoilement (longtemps nié ou déformé dans l’historiographie) à des fins d’autoanalyse collective. Ce qui est suggéré par la structure de l’écriture interférentielle, laquelle met sous tension et en musique des liens nodaux entre altérités intrinsèque (intrapsychique) et extrinsèque (ici socio-ethnique), c’est qu’il ne peut y avoir une autoanalyse collective sans élucidation subjective (en lien avec le sujet), et, inversement, le trauma spécifique à chaque sujet, dont l’exploration assure à l’écriture romanesque sa force de singularisation, doit être articulé avec la souffrance sociale (ou communautaire), dont les modalités d’expression peuvent être inconsciemment aliénantes tout en étant politiquement émancipatrices.
Copyright (c) 2024 Rédouane Abouddahab
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